Avec l’intention de revenir sur les deux années que nous vécûmes en Ariège de 1966 à 1967, nous avons retrouvé le Couserans mi-septembre. Le hasard voulut, le 15 septembre dernier, que nous assistions à une réunion publique de la société Variscan-Mines à la MJC d’Oust. À l’ordre du jour, une réouverture de la mine de Salau prétendument riche en tungstène.
Nous en sommes ressortis sidérés.
Par d’habiles tours de magie verbale destinés à convaincre l’assistance, le promoteur du projet avouait une seule autorisation de recherche de minerai, puis, la minute suivante, révélait qu’une exploitation future lui permettrait de créer plusieurs centaines d’emplois !
Exploitée à partir de 1971, la mine de Salau avait apporté son lot de périls, accidents du travail, maladie professionnelle de l’abestose liée à une forte concentration d’amiante. Elle devait fermer en 1986. Nous demeurions stupéfaits d’entendre cet entrepreneur promouvoir de nouvelles techniques d’extraction, avertissant même son public de l’exploitation de « la première mine responsable de France » !
Nous sommes sidérés devant un tel projet d’exploitation du tungstène de Salau vantée comme stratégique pour le pays... Or, son promoteur avoue qu’il ne dispose d’aucun financement de l’Etat, ni même d’un investisseur financier national ou européen... Il nous paraît étrange que pas une seule compagnie minière française n’ait consenti à investir la moindre action dans l’ « extraordinaire » gisement de Salau ! En effet, l’apport de 25 millions d’euros aux recherches préalables d’une possible exploitation est apporté par un fonds australien, Apollo Minerals relayé par Jumper Capital Partners, société logée dans le paradis fiscal des Iles Vierges britanniques...
Nous sommes ressortis sidérés de cette réunion publique à Oust, mais totalement convaincus par les arguments des associations de défense de la vallée de Salau présentes ce soir-là.
Nous sommes sidérés par les dommages sanitaires du carreau de la mine de Salau abandonné depuis trente et un ans, malgré les protestations des habitants de Couflens et du Couserans qui subissent l’impéritie de l’Etat, qui protestent contre l’écoulement d’effluents pernicieux dans les rivières : arsenic, bismuth, cadmium, zinc, amiante, et pour finir PCB !
Nous ne sommes pas Ariégeois certes, mais nous avons tant aimé œuvrer pour l’Ariège que nous ne pouvons rester muets. En 1967, au sein du Service Civil International, des mois durant nous avons taillé le roc à la pioche, la barre à mine, afin d’apporter l’eau potable aux éviers des villages du Couserans : Rogalle, Sentenac, Ustou, Vic d’Oust et bien d’autres communes ariègeoises.
Nous sommes des membres fondateurs de la MJC d’Oust, en témoignent les archives du premier conseil d’administration de la maison au mois d’avril 1967. A Oust, Seix, alors, nous avons créé les premiers ciné- clubs, organisé de multiples manifestations théâtrales, des expositions, des spectacles vivants.
Par ce témoignage, nous voulons apporter notre soutien aux gens des vallées, aux associations ariégeoises, aux centaines de jeunes et moins jeunes paysans, éleveurs, artisans qui par le travail de chaque jour s’acharnent à maintenir écoles et services publics. Eux maintiennent et développent la vie économique et sociale des hautes vallées. Ils sont l’avenir du Couserans. Nous ne pouvons admettre que la haute vallée, les terres soient meurtries, les eaux irrémédiablement polluées.
Par ces simples mots, nous sommes solidaires des Ariégeois en lutte contre les agissements obscurs de promoteurs d’une exploitation minière déraisonnable.
Alain Dugrand, journaliste, écrivain.
Philippe Pialoux, ex-attaché culturel près des ambassades de France en Espagne, Turquie ; enseignant à
Paris-Sorbonne-Nouvelle